Mariage, amant, divorce? - Divorce
Suite et fin de Mariage, amant, divorce?, la sequel de Métro, boulot, dodo?
Vous êtes priés de ne rien jeter sur l'auteur suite à la lecture de cet article! Merci d'avance! *ange*
Sur ce, enjoy! x)
Depuis une ou deux semaines, j'ai enfin l'impression de retrouver Etienne. Pas qu'il n'était pas lui ces derniers temps, mais il n'était plus celui que je connaissais. Il avait changé, mais là, il est revenu à ses anciennes habitudes. On rentre quelques fois ensemble du boulot, on va déjeuner tous les deux à la cantine de l'hôpital, on se fait des petites soirées rien qu'à nous, ciné ou télé, peu importe. On se retrouve, et c'est l'essentiel. Je crois que la crise est passée, et ça me soulage à un point...
Pourtant, un doute subsiste en moi: c'est allé trop vite. Ca fait à peine un mois, un mois et demi depuis cette fameuse conversation où je me suis effondré en pleurs dans ses bras, et où il n'a pas pu me rassurer. Or un mois et demi, c'est court. Enfin, j'ai trouvé ça long, mais c'était suffisamment court pour qu'Etienne puisse me rassurer. Or il ne l'avait pas fait. Alors je doute, je doute tous les jours à chaque fois qu'il n'est plus là, et surtout quand il n'est pas là alors qu'il devrait l'être. Et toujours, dès que je le vois, j'enfouis toutes ces craintes au fond de mon esprit, au fond de moi-même, et je lui souris. Parfois même, je me dégoûte à jouer ainsi un double-jeu avec lui. Mais je me sens acculé.
Je suis persuadé que si je lui révèle ce que je ressens, il se moquera de moi, balaiera mes presque certitudes d'un vague geste de la main comme si cela n'avait pas d'importance, et si j'insiste, il me quittera. Peur irrationnelle, je le sais: Etienne ne peut pas vivre sans moi, tout comme je ne peux pas vivre sans lui. On s'est construit l'un avec l'autre, on a pris la forme de l'autre, et sans l'autre, on est incomplet. Et pourtant... pourtant... je suis terrorisé à la simple idée qu'il envisage de me quitter. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas, dirait notre cher Pascal. Dieu comme il avait raison!
Aujourd'hui, j'avais des manips de culture cellulaire à faire, et elles m'ont fait finir très tard. Parce que les cellules c'est vivant, et que ça n'attend pas, comme dirait mon premier maître de stage. Pas possible de les mettre au frigo, ou de les congeler comme on veut, à moins de vouloir les tuer. Alors on les bichonne, et on s'en occupe à toute heure de la journée ou de la nuit, et même pendant le weekend! Je rigole tout seul dans la rame de métro à revoir mon ancien chef déclamer cette tirade d'un air si pénétré. Et les gens qui partent en soirée -il est quasiment neuf heures du soir- regarde ce trentenaire solitaire que je suis comme s'il était fou. Eh oui, je suis fou, fou, fou! Fou de mon homme, et uniquement de lui! Et j'ai hâte de le retrouver.
Je sors à ma station, je monte quatre à quatre les marches du métro, et dix petites minutes plus tard, je suis devant notre immeuble. Cinquième étage, et je suis enfin chez moi. Chez nous. J'entre, et bizarrement, je ne sens aucune odeur de cuisine, alors qu'il avait dit qu'il préparerait à dîner. Mais j'entends comme si on farfouillait dans notre chambre. Je m'y dirige et je vois Etienne en train de faire sa valise. Mes peurs reviennent d'un coup et me tordent le ventre avant que je ne me souvienne qu'il m'avait dit qu'il devait partir une semaine ou deux en Belgique parce qu'il travaillait avec une équipe là-bas et qu'il devait les rencontrer, discuter avec eux, apprendre quelques-unes de leurs techniques, se former à d'autres choses, et récupérer des ADN. Bref, que des joyeusetés.
-Salut, je fais, avec un petit sourire un peu triste.
Il relève la tête et me fait un vrai sourire, tout content de me voir.
-Salut! Ca va? T'as une petite mine.
Voilà quelque chose qui marque définitivement qu'on est revenu à comme avant: il remarque le moindre changement d'humeur chez moi, la moindre petit gêne, le moindre petit moment de tristesse. Et je trouve cela agréable, car je sais qu'il est enfin là, avec moi, entièrement. Alors je m'assois derrière lui et l'enlace alors qu'il tente maladroitement d'organiser sa valise.
-Mmmh... J'avais oublié que c'était demain que tu partais. Tu vas me manquer.
Il pose ses chemises un peu au hasard dans la valise et se retourne vers moi. Il prend mon visage entre ses mains et me dit sérieusement, avec cependant beaucoup de douceur dans la voix.
-Eh... C'est qu'une ou deux semaines. C'est pas la mort. On a déjà vécu plus longtemps séparés.
-Oui, je sais. J'suis bête. Mais ça commençait à aller mieux entre nous... Je sais pas pourquoi, mais ça allait mieux. Et là tu dois partir...
-Tu as peur?
Je baisse les yeux et ne réponds rien: est-ce qu'on peut sérieusement dire quand on a trente-six ans qu'on a peur parce que son mari part deux semaines pour le travail? Mais même si je ne dis rien, il a très bien compris. Il me prend dans ses bras et me sert fort contre lui, et je fais de même. Je suis pas loin de pleurer. C'est idiot mais c'est comme ça.
-Je t'appellerai tous les jours, me chuchote-t-il à l'oreille. Je te raconterai tout ce que je fais de mes journées et toi aussi.
Ca y est, j'ai les larmes qui coulent. Parce que là, à l'écouter, son départ devient beaucoup plus réel, et pas seulement une chimère qui aura peut-être éventuellement lieu demain. Je sais qu'il a remarqué que je sanglotais mais il ne me fait aucune remarque. Il préfère continuer à me parler et à me serrer encore un peu plus fort.
-Et tu verras, à se parler tous les jours au téléphone, tu te rendras même pas compte que je suis parti.
-C'est faux... C'est faux, t'as pas le droit de dire ça, je hoquette dans son cou.
C'est vrai quoi! Il a pas le droit de dire que s'il est là ou pas, c'est la même chose pour moi! Il a pas le droit, il a pas le droit!
-D'accord, j'ai pas le droit, il murmure doucement. D'ailleurs, si je te manque trop, on pourra faire comme quand je suis parti au Canada pour mon stage. Tu sais? Quand on était chacun dans notre lit, tout seul, avec le téléphone posé sur l'oreiller... et qu'on s'endormait ensemble en écoutant l'autre respirer. Tu te souviens?
-Bien sûr que je me souviens, je souffle. Mais t'as la mémoire bien sélective. On ne faisait pas que s'endormir au téléphone, je plaisante.
Il rigole aussi avant de commencer à faire comme il le faisait à l'époque, d'une voix sensuelle.
-Nico...
-Hum?
-Je suis assis par terre, à côté de mon lit... Je porte le jeans noir taille basse que tu m'as offert pour mes 26 ans... Tu sais, celui que t'adores... Et puis en haut j'ai un vieux T-shirt des Stones... Je t'imagine en train de me l'enlever en passant tout doucement tes doigts sur mon ventre, sur mon torse, bien au centre, puis sur les épaules, les bras... Et une fois que tu l'as enlevé, tu m'embrasses, tout doucement aussi, sur la bouche, sur le bout du nez, sur l'oreille droite, et là, tu me dis ces petits mots qui me font frissonner à chaque fois. Tu sais, ceux qui me rendent dingue... de toi.
Ouais, je sais parfaitement desquels il parle. De ces trois petits mots qui peuvent faire monter un homme au ciel ou le détruire plus sûrement que n'importe quoi d'autre. Alors d'un sourire, je m'exécute. Je passe mes doigts sous son T-shirt et je remonte lentement jusqu'à ses épaules. Je l'enlève et je viens l'embrasser, sur la bouche, sur le bout du nez, et sur l'oreille droite, où il est si chatouilleux. Je lui dis ces quelques mots. Il frissonne de partout et se sert un peu plus contre moi, passant ses doigts sous mon T-shirt, directement sur mes reins. On a envie l'un de l'autre, et putain, qu'est-ce que c'est agréable! Je me sens bien, vraiment bien.
Mais déjà, alors que je me repais de cette sensation de plénitude, les mains d'Etienne remontent dans mon dos. Il s'approche de mon oreille et me souffle les mêmes mots que je lui ai dit quelques secondes plus tôt, avant de les agrémenter d'un baiser. J'en frissonne aussi, même si le frisson prend un goût amer: cette peur douloureuse de le perdre remonte insidieusement me prendre aux tripes. Alors j'en profite. J'en profite comme si c'était la dernière fois. Comme si c'était le dernier jour où je peux dire nous.
Ca fait plus de trois jours qu'il est parti, et il me manque. Certes, on s'appelle tous les jours, on se raconte tout ce qu'on fait de nos journées, mais tout me semble bien vide quand il n'est pas là. Sans intérêt même. Heureusement que ce soir, je vais dîner chez Robin. Il a vu que j'avais de nouveau une petite baisse de moral, alors il a décidé de me prendre en charge. J'ai eu beau lui dire que ça allait, il n'en a pas démordu, et au fond, je l'en remercie. Résultat: ce soir, dîner chez lui, avec sa copine, et c'est bien possible que je dorme aussi là-bas. Surtout que je sens qu'on va pas mal boire. Pas comme des trous non plus. Mais y'aura quand même des cadavres de bouteille demain.
Bon allez hop! Il est cinq heures de l'aprem, j'ai juste une réunion avec l'équipe de l'étage du dessous, pour leur présenter un mécanisme de duplication-délétion de l'ADN assez particulier, et puis après je pourrai partir. Robin, lui, est déjà sur le point de quitter le labo. Il est arrivé vers sept heures et demi ce matin pour partir un peu plus tôt, et avoir le temps de ranger l'appart, qui est dans un bordel monstre, m'a-t-il avoué. Je lui souhaite bonne chance pour le rangement et lui dis que je viendrai vers sept-huit heures chez lui.
Une heure et demi plus tard, j'ai fini ma présentation et les autres n'ont enfin plus aucune question à me poser. Je range mon ordi et le vidéo-projecteur pendant que tout le monde sort de la salle. Seule Line reste et vient me voir.
-Merci pour la présentation. Ca va nous aider à expliquer à cette famille ce qu'ils ont.
-De rien, je dis en zippant mon sac.
-J'espère au moins que c'est pas juste pour ça que t'as sacrifié tes vacances avec Etienne, plaisante-t-elle. Parce qu'on aurait pu demander à quelqu'un d'autre.
-Mes vacances avec Etienne? je répète, suspicieux, arrêtant tout ce que je fais et la regardant droit dans les yeux.
-Bah ouais... Il a posé deux semaines de vacances. Je pensais que c'était pour partir avec toi en amoureux... mais apparemment je me suis trompée, conclut-elle, embarrassée.
Mais à vrai dire, là, j'en ai rien à foutre qu'elle soit gênée ou plus rouge qu'un homard cuit. Tout ce qui m'importe, c'est mon homme. Et ce qu'il a fait. Il m'a menti. Il m'a menti! Nom de dieu de putain de merde, il m'a menti et il est parti deux semaines je ne sais où avec je ne sais qui! Ce connard m'a menti! Il m'a dit qu'il m'aimait. Il me l'a répété toute la nuit et il m'a menti! C'est la fois de trop. Je sors de la salle, plantant là Line qui ne sait plus trop quoi faire, et je rentre chez nous le plus rapidement possible.
Une fois à l'appart', je prends un grand sac et j'y mets une grande partie de mon armoire. Je prends aussi quelques CDs à moi, plus les vinyles qui sont à moi. Je récupère mes bouquins dans notre bibliothèque et je mets le tout dans le sac, sauf les vinyles, que je mets dans un sac en plastique à part. Au moment de passer la porte d'entrée avec toutes mes affaires sous le bras, je reviens dans notre chambre et attrape mon oreiller: Robin n'en a pas de rab chez lui, et les coussins de son canapé, c'est bon pour une nuit, mais c'est tout.
En repassant par le salon, j'enlève ma bague et je la pose sur la table. Il m'a menti une fois de trop. Juste au moment où je pensais re-grimper la pente, quand ça allait mieux, il m'a menti. Et ça me détruit. Alors je le quitte. Pour la première fois. La première et unique fois. Il n'y en aura pas d'autres. Maintenant on est séparés. Il ne le sait pas encore, mais on vient de se quitter.
Ca me fait bizarre de me dire ça. Il faut que j'aille chez Robin. Il faut que je le vois. Je sais pas ce que je peux faire d'autre. Ce que je dois faire d'autre. Parce que des idées pas drôles du tout me traversent l'esprit. J'en ai pas envie, mais c'est quand même drôlement tentant.
Robin me retrouve en pleurs devant la porte de son appart'. Il a dû entendre le bruit que j'ai fait en m'écroulant contre la porte parce que je ne me souviens pas avoir sonné. Il réussit à me traîner à l'intérieur et à m'installer sur le canapé. Je me laisse totalement faire. Pour ce que j'en ai à foutre de toute façon... Une fois qu'il est sûr que je ne vais pas tomber du canapé, il récupère tous mes sacs sur le palier et les pose dans un coin du salon. Je vois Maëlle, sa copine, sortir de la salle de bains. Elle lui demande quelque chose et il lui répond en désignant la cuisine, puis moi, de la tête. J'entends rien à ce qu'ils se disent, je vois juste leurs lèvres bouger. En fait, j'entends plus rien du tout. C'est le silence total dans ma tête.
Enfin, je préfèrerais que ce soit le silence total dans ma tête. Parce que pour l'instant, tout ce que j'entends, c'est la voix d'Etienne qui me dit qu'il m'aime. Encore et encore. Je n'entends que ça et ça fait mal. De l'entendre dire qu'il m'aime. De m'entendre répondre que je l'aime aussi. Et de savoir que malgré tout, il m'a trahi. Je ne sais pas s'il a couché avec quelqu'un d'autre, et à vrai dire, je m'en fous. Il a trahi ma confiance, il a trahi notre couple en me mentant. C'est tout ce qui compte. Il m'a trahi, et maintenant, c'est cette phrase qui tourne en boucle dans ma tête. Et qui à chaque fois enfonce un peu plus loin le couteau dans mon cœur, le tourne dans tous les sens, pour me faire saigner un peu plus, pour me faire pleurer encore.
Je sens Robin qui s'assoit à côté de moi et qui m'attire dans ses bras. Il me murmure des "Schhh" pour me calmer, et des "Tout va bien, je suis là" pour me rassurer tout en me caressant le dos. Mais je me fais toujours l'effet d'une chiffe molle jusqu'au moment où je l'entends renifler. Je crois que j'ai réussi à le faire pleurer. Il est tellement triste de me voir dans cet état sans pouvoir rien faire qu'il en pleure. Et là je craque.
Les larmes s'écoulent plus vite, plus nombreuses de mes yeux humides, j'ai de la morve qui coule du nez, je ne vois plus rien, tout est flou et mon esprit s'embrouille. Je ne sais plus ce qu'il se passe, je ne sais plus tout à fait qui je suis. J'ai l'impression de tomber alors je me raccroche à la seule chose sûre à portée de main: Robin, Robin et son T-shirt qui définitivement devra aller à la machine tellement je le salis. Et une fois que mon appui est assuré sur mon meilleur ami, j'arrive à laisser échapper d'une voix cassée que je ne reconnais pas.
-C'est fini... C'est fini... C'est fini... Il m'a trahi... C'est fini...
Et je répète ça comme une litanie. Peu à peu les mots s'imprègnent en moi et je prends conscience au fur et à mesure de ce que cela veut dire. Je ne me réveillerai plus jamais à ses côtés, je ne pourrai plus jamais l'observer quand il dort, je ne pourrai plus le faire sursauter lorsqu'il prépare consciencieusement notre repas, je ne pourrai plus le faire sourire en lui volant un baiser dans la file d'attente du supermarché. Je ne le verrai plus. Je ne le verrai plus et j'en pleure de douleur.
Robin semble choqué par ce que je lui dis. Probablement parce qu'il croyait que notre couple était incassable, qu'il tiendrait jusqu'à ce que mort nous sépare, comme on dit si bien lors du mariage. Tu parles, rien n'est infaillible, et nous ne sommes que des hommes.
-Sssch, calme-toi Nico. Qu'est-ce qui s'est passé?
-Il m'a trahi, il m'a trahi! je sanglote encore. Il a dit qu'il partait en Belgique pour le... pour le boulot... et en fait... il a pris deux semaines de vacances... sans me le dire... Il m'a menti! ... Il m'a trahi... Il m'a trahi...
Robin ressert sa prise autour de moi et m'embrasse le haut du crâne. Il ne dit rien, et c'est tant mieux, parce qu'il n'y a rien à dire. J'entends un bruit et en tournant légèrement la tête je vois deux tasses sur la table basse. C'est Maëlle qui nous a préparé du thé me dit Robin, et il m'encourage à en prendre. Je m'extirpe avec lenteur du cocon de ses bras, je prends la tasse, replie mes genoux contre mon torse et commence à boire, la tasse calée entre mes mains et mes genoux. Et replié que je suis sur moi-même, mon esprit commence à faire de même et je me sens retomber à cet état de chiffe molle incapable de réfléchir. Ne voulant plus réfléchir surtout. Je n'aime pas cet état, je me déteste quand je suis comme ça, mais c'est pour l'instant le seul moyen que j'ai pour ne pas trop souffrir. Alors je me déconnecte de la réalité.
J'entends vaguement leur téléphone fixe sonner. Robin ne se bouge pas pour répondre et c'est Maëlle qui décroche. Elle fait signe à Robin que c'est pour lui. Il lui dit de dire qu'il n'est pas là mais elle lui répond que c'est important. C'est étrange comment j'arrive à comprendre tout ça alors que je ne fais plus attention à rien. Les automatismes du cerveau, sûrement. Comme là, à voir la gueule que tire Robin, je sais intuitivement que c'est Etienne.
-Comment tu oses appeler ici et me demander comment ça va, salopard?!
Et j'ai raison, mais je m'en fous.
-Nan, tu ne peux pas lui parler! De toute façon, je suis pas sûr qu'il ait envie de te parler. ... Comment ça, je décide à sa place? Non mais tu crois vraiment que j'ai le choix?! Je viens de le récupérer en miettes, complètement détruit à cause de toi et pour l'instant, j'essaie juste de faire en sorte qu'il ne s'écroule pas encore plus. Alors non, tu ne peux pas lui parler! De toute façon, tout ce qu'il a réussi à décrocher depuis qu'il est là, c'est que tu l'as trahi.
Je sens que Robin flanche à son tour, sa voix déraille un peu. Au fil des années, Etienne est devenu son ami aussi, et je comprends que ça soit dur pour lui de l'engueuler comme ça. Mais il n'est pas obligé. Il peut nous laisser tomber tous les deux, on ne va pas recoller les morceaux. Il m'a trahi, c'est fini.
-Non, j'ai pas dit qu'il avait dit que tu l'avais trompé, mais que tu l'avais trahi. Et je crois que c'est très différent. ... Mais je m'en fous de savoir que tu avais fait une promesse à quelqu'un! Tu as trahi tout ce que vous avez construit à deux depuis neuf ans! Tu penses vraiment que la personne à qui tu as fait cette promesse en valait le coup? Parce que là, je crois que tu viens de foutre sa vie en l'air, et la tienne aussi du même coup. ... Ouais, c'est ça, ramène ton cul ici, et vite fait. Et passe chez vous d'abord, je crois que Nico y a laissé son alliance.
Tu t'échines pour rien Robin. Pour rien du tout. Il m'a trahi et c'est fini.
Il fait nuit maintenant je crois. En tout cas, Maëlle est allée se coucher. Robin reste avec moi, pour me tenir compagnie. Il ne parle pas et moi non plus. De toute façon, je ne vois pas ce qu'on pourrait dire. Alors on ne fait qu'être assis côté à côté dans le silence le plus total. Je voudrais que le matin ne vienne pas, comme ça je n'aurais plus à vivre. Parce que rien d'imaginer de nouveau qu'il ne sera plus à mes côtés, j'en ai les larmes aux yeux. Mais je me retiens du mieux que je peux. J'ai déjà beaucoup pleuré ce soir, et un homme ça ne pleure pas.
Soudain, on entend quelques coups à la porte et Robin se lève d'un bond. Il va ouvrir la porte et laisse entrer Etienne. Robin ne veut vraiment pas laisser tomber aussi vite. D'un côté, ça me soulage, parce qu'il croit en notre couple à ma place.
Etienne le remercie et Robin lui dit qu'il est dans la chambre si jamais il a besoin de lui, puis il part. Etienne se dirige alors directement sur moi et s'accroupit devant moi. Il pose ses mains sur mes genoux et plonge ses yeux dans mon regard vide. Je vois la tristesse et la douleur le prendre en me découvrant ainsi, mais c'est de sa faute.
-Nicola... Mon amour... S'il te plaît, ne me quitte pas... Je pourrai pas vivre sans toi...
Parce que tu crois que je peux, abruti?
-Je veux que tu saches que tout ce que j'ai fait ces derniers temps, c'était pas de gaité de cœur. Et je veux aussi que tu saches pourquoi je l'ai fait.
Et ta promesse connard? Celle que tu invoquais à chaque fois pour fuir mes questions?
-Je lui ai demandé de mettre fin à ma promesse et elle a accepté. Tu te souviens de Benoît, un de mes bons potes de lycée? Il y a quelques mois, je l'ai retrouvé au bord de la tentative de suicide avant une soirée. Pour te la faire courte, il a fait ça parce qu'il ne se sentait pas bien, pas à sa place dans le corps qu'il a. Je lui ai promis de l'aider et il m'a fait promettre de ne rien dire à personne, même pas à toi. Et là, on était en Belgique pour rencontrer des médecins qui accepteraient de s'occuper de lui, enfin d'elle...
Il marque une pause avant de murmurer, la voix tremblante.
-Nicola, je t'aime.
Il me prend ensuite la main gauche, y enfile mon alliance sur l'annulaire. Et je ne sais pas ce que je dois en faire.